Un débat renouvelé sur la présence du loup dans les régions suisses
Le retour du loup en Suisse ravive régulièrement les discussions, notamment lorsqu’il s’étend à de nouveaux territoires. C’est actuellement le cas dans le massif jurassien où une présence significative de cette espèce est constatée.
Les tensions initiales dans le Val Ferret il y a trois décennies
En 1995, les archives témoignent de fortes tensions entre différents acteurs, notamment entre la Confédération et les cantons, ainsi qu’entre zones urbaines et rurales, ou encore entre éleveurs et chercheurs. Cette période marque le début d’une controverse autour d’un animal désigné à l’époque comme un « chien sauvage ou loup », qui avait déjà causé la perte d’environ soixante moutons dans le val Ferret, situé dans le canton du Valais.
À Berne, Philippe Roch, alors directeur de l’Office fédéral de l’environnement, exprimait son exaspération face à ce climat : « L’état d’esprit autour de cette affaire du loup ressemble davantage à une psychose digne du Moyen Âge qu’à une réaction contemporaine. Le loup a sa place sur le territoire suisse », déclarait-il dans une interview télévisée.
Une traque mobilisant divers acteurs de terrain
Malgré ces prises de position, les relations entre citadins et éleveurs restaient tendues. Des éleveurs affirmaient rejeter les conseils venant des milieux urbains concernant la gestion de la faune sauvage. Pour localiser et contrôler la bête, des bergers, gardes-chasse, policiers cantonaux spécialisés et gardes-frontières ont mené une opération de chasse de plusieurs semaines.
Le premier témoignage de l’animal attribué au loup revient à Florian Volluz, éleveur ayant subi la perte de 64 moutons. En 1995, il décrivait ce prédateur comme une « grande bête » au pelage gris-noir sur le dos, dépourvue de beige.
Trente ans plus tard, il confie à La Matinale qu’il garde un souvenir difficile de cette période : « Nous avons vécu un été très éprouvant, avec des conséquences lourdes pour notre troupeau. Malheureusement, en trente ans, la situation semble peu avoir évolué. » Il déplore encore ce qu’il qualifie d’« important gâchis ».
Une gestion complexe entre émotions et réalités du terrain
Dans les reportages d’alors, Florian Volluz adoptait une attitude mesurée malgré la colère qu’il ressentait en privé. Il relate notamment avoir dû abattre une brebis gravement blessée et un agneau à la main, situations qui évoquent la détresse vécue par certains éleveurs confrontés à ces attaques.
Les évolutions récentes des pratiques pastorales au Val Ferret
Actif encore aujourd’hui, Florian Volluz continue d’élever des moutons sur l’alpage du val Ferret, situé à environ 2500 mètres d’altitude. Il a dû ajuster ses méthodes face aux attaques répétées de loups en 2018 et 2019.
Après avoir testé sans succès l’usage de chiens de protection, notamment en raison de conflits avec les randonneurs, il a finalement opté pour la présence d’un berger professionnel assurant une surveillance constante. Ce changement se traduit par la construction de plusieurs cabanes d’estive, ravitaillées par hélicoptère, afin de renforcer la protection du troupeau.
Malgré tout, la menace reste présente : « Nous savons que les loups circulent dans la région. Il est possible qu’ils finissent par franchir les clôtures de protection, ce qui impliquerait de réintroduire les chiens de garde », explique-t-il.
Considérations sur le bien-être animal et perspectives d’avenir
L’éleveur souligne que l’impact sur le bien-être des moutons est rarement abordé dans le débat public. Selon lui, le confinement systématique dans des parcs, de midi à soir, limite leur pâturage naturel et affecte leur croissance et leur état physique, notamment chez les agneaux qui ne prennent pas suffisamment de poids avant la vente.
Malgré un certain pessimisme quant à l’avenir de l’élevage sur l’alpage, Florian Volluz mentionne l’intérêt d’un jeune repreneur potentiel tout en soulignant que la prudence reste de mise.
Situation actuelle de l’élevage et de la population lupine en Suisse
Dans le seul canton du Valais, environ 150 troupeaux pâturent sur les estives. Parallèlement, la population de loups comptabilise environ 300 individus répartis en plus de 30 meutes, qui font désormais l’objet d’une gestion encadrée.
Plusieurs documents publiés récemment abordent les conditions de régulation des loups, ainsi que les décisions prises par certains cantons pour autoriser des tirs de contrôle dans le cadre d’un équilibre entre la protection des espèces et la préservation des activités pastorales.