La menace interne comme point focal et une nécessité de solution politique
Tamir Pardo, ancien directeur du Mossad, a dirigé le service de renseignement israélien de 2011 à 2016 sur nomination de Benjamin Netanyahu. À la retraite, il est devenu l’une des voix critiques les plus tranchantes à l’égard du Premier ministre actuel.
Un regard sur le conflit et ses coûts
Lors de l’émission Tout un monde diffusée sur RTS, il affirme que la guerre à Gaza perd son sens et qu’elle coûte cher en vies humaines, en ressources et en avenir pour Israël. Il évoque des erreurs répétées et le prix qu’elles ont fait payer; selon lui, une fois ce coût compris, il faut mettre fin à la menace à Gaza.
« Ils étaient prêts à se battre », résume-t-il, appelant à une solution globale même sous la pression internationale. Il espère que Donald Trump puisse jouer un rôle moteur et pousser les deux parties à un accord, estimant qu’il faudra mettre le marteau sur la table pour obtenir un engagement clair des deux côtés.
Une critique des choix stratégiques et une vision européenne
Interrogé sur l’idée que la guerre aurait été une initiative israélienne, Pardo répond que, vu de l’Europe, elle peut apparaître comme une catastrophe, mais qu’elle correspondait au plan de Yahya Sinwar pour son propre peuple. Selon lui, Israël cherchait à mettre fin à l’opération, alors que les adversaires étaient prêts à continuer jusqu’au dernier enfant et jusqu’à la dernière femme de Gaza ; il décrit cela comme un piège, vu de leur point de vue.
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Une solution politique au cœur des débats
En revenant sur le fiasco sécuritaire du 7 octobre, l’ancien directeur du Mossad critique les politiques menées par Israël. « On n’achète pas la paix, il faut trouver une solution » affirme-t-il. « On ne peut pas payer le chef du Hamas, on ne peut pas payer un groupe terroriste en espérant qu’il change de nature : cela n’arrivera jamais ».
Il rappelle que, au sein du gouvernement et même de l’armée et des services de sécurité, certains pensaient pouvoir dissuader les terroristes, mais il affirme qu’aucun moyen de dissuasion ne suffit.
Entre la Méditerranée et la vallée du Jourdain vivent 15 millions de personnes, soit 55 % de Juifs et 45 % de non-Juifs. Quelle solution pour ce territoire ? « Il faut une solution politique », dit-il. Sans cela, la guerre pourrait devenir la seule issue et causer davantage de souffrances des deux côtés.
Le message est clair : au XXIe siècle, Israël devrait, selon lui, faire preuve de davantage de sagesse et, en tant que « start-up nation », chercher une solution véritablement durable afin d’éviter un nouveau bain de sang qui serait inacceptable.
Une fracture politique et sociale profonde
En septembre 2023, Pardo avait provoqué le tollé en qualifiant la situation en Cisjordanie d’« apartheid ». Deux ans plus tard, il assume ces propos et affirme que plus de deux millions de Palestiniens y vivent sans les mêmes droits que leurs voisins israéliens. S’ils obtenaient les mêmes droits que les Juifs, Israël pourrait ne plus être perçu comme un État juif ; s’ils ne les obtenaient pas, le sang pourrait couler. Il appelle à décider clairement du type de pays que l’on veut vivre ensemble.
« Nous avons besoin d’un leadership différent, et le plus tôt sera le mieux », affirme-t-il, soulignant la nécessité d’un gouvernement capable d’unir toutes les sensibilités, Juifs comme non-Juifs.
Division intérieure et appel à l’unité
Pour Pardo, le danger principal ne réside pas dans les menaces internationales mais dans la fracture interne du pays. « Quand la société est déchirée, c’est un danger bien plus grand que tous les autres », résume-t-il. Il conclut en appelant à une prise de conscience collective et à un leadership capable de guérir les blessures internes.
Propos recueillis par Benjamin Luis/hkr
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