France: proposition de loi visant à interdire le voile des mineures dans l’espace public — analyse et incertitudes

Monde

Le chef des députés du parti Les Républicains, Laurent Wauquiez, a déposé lundi une proposition de loi visant à interdire le port du voile par les mineures dans l’espace public. Le texte ne semble pas prêt pour un examen rapide et sa constitutionnalité est mise en doute par plusieurs juristes.

Objet et portée de la proposition

Selon l’article unique, il s’agit d’interdire à tout parent d’imposer à sa fille mineure ou de l’autoriser à porter, dans l’espace public, une tenue destinée à dissimuler sa chevelure.

Contexte et fondements

Le déposant s’appuie notamment sur un rapport commandé par le gouvernement et publié en mai, qui décrit une augmentation «massive et visible du nombre de petites filles portant le voile».

Selon lui, le voilement de jeunes filles heurte les principes républicains les plus fondamentaux, tels que la protection de l’enfant, la liberté de conscience et l’égalité entre les hommes et les femmes.

Cadre juridique et procédure

La proposition vise à modifier la loi du 11 octobre 2010 relative à la dissimulation du visage dans l’espace public.

Cependant, son examen avant deux mois semble peu probable: la journée annuelle réservée aux propositions du groupe LR n’est prévue que le 22 janvier.

Avis juridiques et enjeux constitutionnels

Des professeurs de droit public consultés par l’AFP expriment de sérieuses réserves quant à la conformité avec la Constitution, tout en la circonscrivant possiblement aux mineures de moins de 15 ans — idée évoquée par le chef des députés macronistes, Gabriel Attal, en mai sans dépôt de texte.

Des opinions divergentes

Pour la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina, l’initiative n’a «aucune chance d’être conforme», rappelant que la loi sur la dissimulation du visage poursuit un motif de sécurité publique et ne vise aucune religion en particulier. Or, l’objectif affiché viserait le voile islamique dans l’espace public, ce qui pourrait contrevenir au principe de liberté de religion, selon elle.

Le professeur Jean-Philippe Derosier, de l’Université de Lille, se dit également «très réservé» sur la démarche.

Si le texte s’appuie sur l’idée de préservation des droits de l’enfant, les juristes soulignent que cela demeure insuffisant pour garantir sa constitutionnalité. L’assimilation du port du voile par une mineure à une forme d’asservissement est juridiquement fragile, certains évoquant le risque d’instrumentalisation chez les plus jeunes et les écarts d’impact entre 9 et 16 ans.

Enfin, les autorités estiment que le raisonnement de sécurité lié à l’identification des personnes peut être difficilement transposable à la couverture des cheveux, ce qui illustre les défis constitutionnels potentiels.