Anticorps conjugués : nouvelles perspectives thérapeutiques pour le cancer du sein précoce et résultats d’essais

Santé

Anticorps conjugués : une approche ciblée associant anticorps et chimiothérapie

Un vent d’optimisme a soufflé lors du Congrès de la Société européenne d’oncologie médicale à Berlin, où plus de 30 000 professionnels ont assisté à la présentation des résultats de trois essais cliniques évaluant des anticorps conjugués. Ces traitements associent une molécule ciblant une protéine présente sur certaines cellules cancéreuses à une chimiothérapie, et les données présentées ont été perçues comme prometteuses pour le cancer du sein à un stade précoce.

Selon le Dr Zaman Khalil, oncologue médical et responsable du Centre du sein au CHUV, ces agents peuvent être envisagés comme des missiles thérapeutiques: ils repèrent précisément la cible et délivrent la chimiothérapie directement à la cellule tumorale. Administrés par perfusion comme les chimiothérapies classiques, ils visent à maximiser l’impact sur la tumeur tout en épargnant davantage les tissus sains. Toutefois, la tolérance reste celle des traitements chimiothérapeutiques, avec des effets indésirables qui nécessitent une surveillance attentive.

Principe et sécurité d’emploi

Le concept repose sur l’association d’une charge chimiothérapique à une molécule capable de reconnaître un marqueur présent à la surface des cellules cancéreuses. Cette stratégie cherche à accroître l’efficacité tout en réduisant l’impact sur les cellules saines, mais elle n’élimine pas les effets secondaires caractéristiques des chimiothérapies.

Des résultats qui s’étendent du métastatique au précoce

Comme c’est fréquent en cancérologie, les premiers retours proviennent de situations métastatiques avant d’être testés plus tôt dans le parcours thérapeutique. Dans ce cadre, l’un des essais présenté à Berlin ciblait les cancers du sein HER2 positifs, qui représentent environ 15 % des cas. Utilisé en prévention des rechutes après le traitement initial, l’anticorps conjugué étudié réduit presque de moitié le risque de rechute et de métastases.

« Avec le traitement habituel, un peu plus de 16 % des patientes rechutaient à trois ans; avec l’anticorps conjugué, on est à moins de 8 % », précise le Dr Khalil.

États des lieux en Suisse

En Suisse, un anticorps conjugué dirigé contre HER2 est déjà disponible pour les cancers du sein métastatiques. Le passage au stade précoce nécessite l’évaluation des autorités sanitaires. « On peut s’attendre d’abord à des acceptations au cas par cas si les dossiers sont convaincants », indique le clinicien.

Au‑delà du sein : vessie, poumons, estomac et ovaires

Un troisième essai présenté au congrès concerne le cancer de la vessie chez des patientes et patients inéligibles aux chimiothérapies usuelles. L’ADC testé réduire d’environ 60 % le risque de rechute et améliorer la survie, selon le Dr Khalil.

Plus largement, les anticorps conjugués se déploient aujourd’hui dans plusieurs indications, notamment la vessie, les poumons, l’estomac et les ovaires. Leur usage reste lié à la présence du marqueur ciblé par chaque médicament, qui détermine l’éligibilité des patients.

Les prochaines étapes: contourner les résistances et diversifier les charges

Tout n’est pas réglé pour autant. Comme avec les chimiothérapies conventionnelles, des résistances peuvent apparaître. Deux axes majeurs se profilent: améliorer la précision du guidage des anticorps conjugués pour viser encore mieux les cellules tumorales et diversifier les charges chimiques associées.

Au CHUV, une étude de nouvelle génération est en cours: un ADC à double tête chercheuse est comparé à une chimiothérapie standard chez des patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif métastatique en première ligne. L’objectif est d’augmenter la probabilité d’accrochage à la cellule tumorale et de renforcer l’efficacité globale.