Fertilité masculine en Suisse : des disparités régionales du sperme entre villes et campagnes dévoilées par une étude

Santé

Fertilité masculine en Suisse : des disparités régionales du sperme entre villes et campagnes

Une étude helvétique révèle, pour la première fois, des écarts entre milieu urbain et rural concernant la fertilité masculine. En examinant le sperme de plusieurs milliers de recrues, les chercheurs indiquent qu’un faible nombre de spermatozoïdes peut limiter la conception naturelle chez environ un homme sur six. La qualité du sperme dépend de trois critères: le nombre de spermatozoïdes, leur morphologie et leur mobilité; lorsque l’un de ces éléments est insuffisant, cela peut conduire à l’infertilité.

Des résultats qui démontrent des disparités régionales

Rita Rahban, biologiste à l’université de Genève, et ses collaborateurs ont renouvelé l’analyse en appliquant une méthode statistique novatrice sur les données de l’étude précédente. Le travail, publié fin septembre dans la revue Human Reproduction, montre que la qualité du sperme n’est pas répartie uniformément sur le territoire helvétique et qu’on peut identifier des groupes régionaux.

Dans une zone du sud‑est de Bern et Thoune, des hommes présentent une qualité du sperme relativement inférieure, tandis que près d’Aarau, un groupe d’hommes montre une qualité plus élevée que la moyenne nationale.

Les chercheurs expliquent ces écarts par une corrélation avec l’utilisation des sols: le groupe négatif est entouré de cultures agricoles en proportion significative, alors que le groupe positif est confronté à davantage de zones résidentielles et urbaines.

Ce qui peut dégrader la qualité du sperme

Plusieurs substances présentes dans les produits phytosanitaires sont associées à des effets sur le développement des organes sexuels et sur la qualité du sperme. Selon les toxicologues, les métaux lourds présents dans les engrais ou les hormones issues des élevages laitiers pourraient également influencer ce paramètre.

Par ailleurs, de nombreux facteurs liés au mode de vie ou à la santé générale influencent la fertilité masculine: chaleur corporelle, surpoids, consommation d’alcool ou tabac. Une modification de comportement, comme l’arrêt du tabac, peut se traduire par une amélioration de la qualité du sperme après environ trois mois. Par ailleurs, certains déterminants se jouent avant la naissance, à travers la génétique des parents et les influences intra-utérines.

L’étude indique aussi que les fils de femmes potentiellement exposées à des substances hormonales lors du travail — paysannes, coiffeuses et agentes de nettoyage — présentent une tendance à une qualité du sperme plus faible.

Quel lien avec l’agriculture et quelles limites pour l’instant ?

Si certains facteurs environnementaux peuvent influencer la fertilité masculine, les mécanismes exacts et leur ampleur restent incertains. Comme l’explique Rita Rahban, nos connaissances sur les causes de l’infertilité masculine restent limitées et l’étude n’a mesuré ni polluants sur place ni dans le sang des participants. Le lien éventuel avec l’agriculture demeure une question ouverte nécessitant des financements supplémentaires et des recherches plus poussées.

La toxicologue Ellen Fritsche souligne elle aussi la nécessité d’analyses plus étendues et plus précises, notamment via une biosurveillance humaine pour mesurer l’exposition chimique, ou des études sur le désir d’enfant au sein des groupes afin de vérifier si les différences observées du sperme se traduisent par des effets réels sur la fertilité.

À ce stade, l’étude repose sur un échantillon d’environ 3000 hommes, ce qui demeure relativement modeste pour établir des conclusions généralisables. Des recherches complémentaires et un financement accru seraient nécessaires pour confirmer ces résultats et explorer le lien potentiel avec les surfaces agricoles.

Perspectives et conclusions

En attendant des études plus larges et approfondies, ces résultats invitent à la prudence et à la poursuite des recherches sur les facteurs environnementaux susceptibles d’influencer la fertilité masculine en Suisse.